Capital et Idéologie : Des sociétés ternaires aux sociétés de propriétaires (Chapitres 1 à 3)

Découvrez les graphiques des trois premiers chapitres du dernier ouvrage de Thomas Piketty, retravaillés par mes soins et accompagnés d’une partie du cours de Piketty à NYU.

Crédits : Fronteiras do Pensamento / Greg Salibian

Vous pouvez retrouver ici l’introduction de cette série d’articles

Les données des graphiques sont les mêmes que celles des graphiques de Thomas Piketty dans son livre Capital et Idéologie1. Certaines annotations sont des ajouts personnels. Le texte est adapté des slides du cours de Thomas Piketty à NYU2. Ce texte est très bref et permet d’apprécier l’objectif des graphiques, mais pas de les analyser. Vous devrez donc tirer les conclusions vous-même, ou aller les chercher du côté de son livre.

La société ternaire : inégalité tri-fonctionnelle

La société du tiers-état est la plus vieille justification de l’inégalité. Elle se base sur la croyance fondamentale que pour fonctionner une société doit diviser sa population en trois groupes sociaux majeurs avec différents statuts, fonctions et droits.

Le clergé (ou prêtres ou intellectuels) constitue le guide spirituel et intellectuel.

La noblesse (ou gouvernants, ou guerriers) apporte une protection militaire et maintien l’ordre.

Les travailleurs (le tiers-état) apportent le travail : nourriture, habits, etc.

Les deux groupes dominants sont à la fois propriétaires et gouvernants, la légitimité de leur propriété est liée aux services religieux et politiques qu’ils offrent à la communauté. (Le baron à une baronnie, le clergé à des terres autour du monastère etc.)

Entre le 15e et le 18e siècle, l'émergence d’un État central, de l'éducation et des lumières a sapé la justification de la société du tiers-état.

  • Si la sécurité est délivrée par l'État central et sa police, quelle utilité pour la noblesse ?
  • Si les philosophes, scientifiques et universitaires nous guident intellectuellement, quelle utilité pour le clergé ?

Les 18e et 19e siècles marquent la montée des “sociétés de propriétaires”. Basé sur la démarcation claire entre droits de propriété et rôle politique et sur la quasi-sacralisation de la propriété privée. La croyance fondatrice de ses sociétés est qu’une forte protection de la propriété privée par l'État est nécessaire pour éviter le chaos social et les expropriations et redistributions incessantes.

Ces sociétés vont entrer en crise au 20e siècle : inégalités, communisme, nationalisme et colonialisme…
De nouvelles sociétés post-communistes et post-coloniales vont émerger :

  • Émergence contestée d’un État propriétaire et social
  • Nouvelles formes de sacralisation de la propriété privée et nouvelle idéologie “néo-propriétaire” : paradis fiscaux, philanthropie, relations complexes entre inégalités domestiques et internationales, retour de conflits identitaires ou de classe ?

Pourquoi étudier les sociétés du tiers-état ?

Les idéologies et institutions du tiers-état ont gardé une influence profonde sur les sociétés modernes

  • Les élites de la société du tiers-état ont parfois réussi à redéfinir leur rôle et légitimité bien après l'émergence de l'État central.
  • L’inégalité moderne est un mélange complexe d’inégalité de propriété sur des bases monétaires et d’inégalité de statut. Cela ne peut être analysé sans prendre en compte les trajectoires complexes partant des sociétés ternaires vers les sociétés de propriétaires puis coloniales et d’esclavage et enfin post-coloniales.

Les idéologies ternaires sont plus subtiles qu’elles ne le paraissent

Elles offrent un système équilibré entre deux types d'élites et deux formes de légitimité à gouverner : élites intellectuelles et militaires.

Chaque groupe doit accepter une limitation de ses pouvoirs : les guerriers doivent suivre les sages conseils et principes du clergé et le clergé doit accepter de ne pas prendre les armes.

La taille changeante du clergé et de la noblesse dans la société des ordres : le cas de la France

Comment expliquer le déclin de la population noble ?

  • Croissance démographique du tiers-état
  • À partir de Louis XIV : tentative de réduire la taille des groupes privilégiés
  • Moins d’enfants dans la noblesse et primogéniture (droits de succession réservés à l’aîné mâle).

La noblesse et le clergé comme propriétaires

La noblesse et le clergé constituent seulement 1% à 2% de la population française au 18e siècle, mais possèdent 50% des terres et richesses.

Les régimes permettent de faire émerger des tendances, mais attention il y a un nombre d’observations limités, il convient donc d'être prudent dans l’interprétation


  1. Graphiques Capital et Idéologie versions originales http://piketty.pse.ens.fr/files/Piketty2020SlidesLongVersion.pdf ↩︎

  2. Cours n°1 de Piketty à NYU : Développement, formation des États et inégalités à long-terme : des sociétés ternaires aux sociétés de propriétaires http://piketty.pse.ens.fr/files/PikettyNYU2020Lecture1.pdf ↩︎

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Alexis Konarski
Consultant Développement Durable

Passionné et préoccupé par les enjeux du développement durable je partage sur ce site quelques articles sur le sujet.

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