Les émissions de GES en France : la stratégie nationale bas carbone (2/2)

À des fins personnelles, j’ai désiré faire le point sur la situation de la France en termes d’émissions de gaz à effet de serre et de politique climatique. Dans une série de deux articles, je partage ce tour d’horizon qui permet d’avoir en tête l’ensemble des éléments clés sur le sujet. J’ai essayé de répondre à quelques questions fondamendales : Quelle responsabilité historique ? Quel poids dans les émissions mondiales ? Quelle est la part des différents secteurs économiques dans les émissions ? Et enfin, quelles évolutions passées et futures ?

Ce second article sur les émissions françaises de gaz à effet de serre se concentre sur la stratégie nationale bas carbone et s’appuie notamment sur le rapport du Haut Conseil pour le Climat.

La stratégie nationale bas carbone (SNBC) est l’outil politique de planification des réductions d’émissions de gaz à effet de serre (GES). Depuis l’adoption en septembre 2019 du projet de loi sur l’énergie et le climat, l’objectif fixé est la neutralité carbone (tous gaz) à l’horizon 2050. Ce nouvel objectif remplace l’objectif “Facteur 4” (division par quatre des émissions de GES par rapport à 1990).

Cet objectif est en adéquation avec l’accord de Paris. En effet, d’après le GIEC, la neutralité carbone (CO2) doit être atteinte, au niveau mondial, en 2050 pour limiter le réchauffement à 1.5°C, et autour de 2070 pour limiter le réchauffement climatique à 2°C. La neutralité tous gaz en 2050 est donc plus ambitieuse que la trajectoire mondiale des émissions pour limiter le réchauffement à 1.5°C, en accord avec le rôle de leader que la France doit prendre dans la transition écologique.

La loi a également revue à la hausse l’objectif de réduction de la consommation d’énergies fossiles en 2030 par rapport à 2012 : 40%. Enfin, l’objectif de baisser à 50% la part du nucléaire dans le mix électrique a été reportée de 10 ans, à 2035.

Un fonctionnement par budgets carbone annuels

La SNBC définit des budgets carbone par période de 5 ans à partir de 2015 (la première période est exceptionnellement de 4 ans). Ce sont des plafonds à ne pas dépasser. Le graphique ci-dessous illustre le niveau des plafonds annuels. On peut voir que le premier budget a été dépassé et que le second budget a été augmenté avec la seconde SNBC en 2019.

Ces budgets sont des étapes dans la réalisation de l’objectif de neutralité carbone en 2050. Comme l’explique dans son rapport le Haut Conseil pour le Climat2, ne pas atteindre l’objectif du premier budget est le signe d’une politique qui a manqué d’ambition et de cohérence. Il ajoute qu’augmenter le niveau du budget pour la période 2019-2023 aura pour conséquence de rendre plus difficile la réalisation des budgets suivants.

Afin d’atteindre l’objectif fixé par le premier budget, il aurait fallu une réduction des émissions de 1,9% par an sur la période. Or, ces réductions n’ont atteint que 1,1% par an. Un changement d’échelle important est donc nécessaire. En effet, pour atteindre la neutralité carbone en 2050, il faudra une baisse supérieure à 3% par an des émissions à partir de 2025.

Sur la période du premier budget carbone (2015-2018), les puits de carbone du secteur UTCATF n’ont stocké en moyenne que 33 MtCO2 par an contre 55 MtCO2 prévues. Les émissions de CO2 dépassent l’objectif de 5%, tandis que celles de méthane et N2O sont en dessous de 1%. Les gaz fluorés atteignent l’objectif.

Les objectifs par secteur du second budget carbone

La SNBC-2 inscrit, à titre indicatif, des objectifs de réduction des émissions par secteur. S’ils ne sont pas contraignants, ils permettent de mieux planifier les réductions d’émissions.

Ce qui doit changer d’après le Haut Conseil pour le Climat

Dans cette seconde partie de l’article, je mets en avant quelques recommandations du HCC.

La prise en compte de l’empreinte environnementale

Comme nous l’avons vu dans le premier article sur le sujet, les émissions importées sont supérieures aux émissions domestiques (hors exportations). Ainsi, l’empreinte carbone annuelle d’un français passe de 6,6 à 11 tCO2e lorsque l’on prend en compte les émissions importées nettes. Or, l’objectif de neutralité carbone prend en compte uniquement les émissions nationales, laissant de coté une large part de l’empreinte environnementale de notre mode de vie.

La valeur de l’action pour le climat

La valeur de l’action pour le climat est un concept intéressant. C’est un prix du carbone aligné avec l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050.

“La valeur de l’action pour le climat est une référence en euros par tonne de CO2 que se donne la collectivité pour évaluer et sélectionner les actions utiles à la lutte contre le changement climatique. L’alignement vers l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050 conduit à définir une trajectoire pluriannuelle de valeurs tutélaires du carbone croissante dans le temps d’aujourd’hui à 2050. La valeur de l’action pour le climat est ainsi de 87 €/tCO2 en 2020, 250 €/tCO2 en 2030, 500 €/tCO2 en 2040 et 775 €/ tCO2 en 2050.”2

Cette valeur doit être utilisée dans l’analyse coût-bénéfices des projets d’investissements de l’Etat et des collectivités.

Au regard de la valeur de l’action pour le climat, le HCC identifie des manquements dans l’économie française. Le HCC pointe du doigt l’abscence de taxe carbone pour trois secteurs de l’économie : industrie et transformation d’énergie (soumis au système européen de quotas), l’agriculture et les puits de carbone. Au regard du niveau de la valeur de l’action pour le climat, les dispositifs actuels pour ces secteurs sont insuffisants.

Meilleure prise en compte des risques

Le transport est le premier secteur d’émissions de GES en France aujourd’hui. C’est aussi le seul à avoir progressé depuis 1990. Pour ce secteur, le scénario de la SNBC fait des hypothèses fortes, notamment la vente de 100% de voitures neuves électriques dès 2040.

Or, cela engendre des risques non-négligeables qui sont trop peu pris en compte : production d’électricité, production de batteries, mutation des infrastructures de transport.

Vous pouvez retrouver l’ensemble des recommandations du HCC ici.

Notes et bibliographie

1 : CITEPA, mai 2019 - Format SECTEN
2 : Haut Conseil pour le Climat (2019) : Rapport annuel Neutralité Carbone

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Alexis Konarski
Consultant Développement Durable

Passionné et préoccupé par les enjeux du développement durable je partage sur ce site quelques articles sur le sujet.

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